« Comment ça, vous êtes en train de filmer à travers un miroir de salle de bain ? Non mais attends, t'es en train de surveiller quelqu'un, là ? »

Morphée ne comprenait pas bien ce sur quoi il avait mis le doigt. Tout cela était parti d'une simple visite dans le local des informaticiens de la FEAH pour un souci tout à fait lambda sur son propre poste informatique (souci qui était lié, il le savait fort bien, à sa prétendue douceur qui le poussait à frapper fort sur son clavier dès que quelque chose le faisait chier). Il avait commencé la conversation le plus normalement du monde lorsqu'il avait vu ces images de surveillance. Dans un tel local, Morphée n'aurait en réalité pas vraiment fait attention ; après tout, on pouvait considérer comme normal (peut-être) qu'il y ait des caméras sur le campus, dans une salle de bain, en revanche, ça l'était beaucoup moins.

« Conneries. Qui êtes-vous en train d'espionner ! »

Il ne travaillait pas depuis longtemps sur le campus, mais il n'était pas si idiot : il savait ce qui était normal et ce qui ne l'était pas. Il finit donc par récupérer le dossier d'un'e certain'e Khora, quelques informations très sommaires agraphées sur le feuillet ainsi qu'une photo d'identité un peu floue montrant un'e étudiant'e à la face neutre. Ses cheveux étaient très longs.

Morphée soupira puis s'enquit du numéro de la chambre. Il ne pouvait pas supporter l'injustice, que quelqu'un se fasse surveiller jusqu'à sa propre salle de bain, c'était hors de question. Le papier dans la main, faisant fi des protestations des techniciens qui voulaient le récupérer, il partit donc d'un pas accéléré vers les résidences étudiantes.

Il devait informer ce'tte Khora de ce problème absolument injuste – voire détruire ces caméras puis se rendre en sa compagnie jusqu'au bureau de Dudikoff. C'était absolument inadmissible et Morphée était remonté. Arrivé sur place, il était alors difficile de différencier Morphée d'un étudiant. Lui-même en avait l'apparence et sa nouveauté de son poste sur le campus le rendait relativement inconnu par ici.

Sûrement pas pour longtemps, espérait-il.

Rapidement, il se rendit à l'endroit indiqué. Ça avait l'air d'être plus grand que les autres apparts, enfin, il ne s'y connaissait pas en logements étudiants, tous ceux de Saint Ange devaient faire la taille de celui de Khora.

Enfin, il toqua. En quelle année était Khora ? 1ere ou 2e, quelque chose comme ça, non ? Et qu'avaient-ils dit, au juste, ces imbéciles de l'informatique quand il était en train de partir ? « c'est une menace majeure » ? Putain, comment un'e premier'e ou deuxième année pouvait être une menace majeure ? Il les retenait.

« Khora ? Es-tu là ? »

Morphée avait rapidement relu la fiche, mais il n'y n'avait pas de nom de famille. Il se demanda brièvement où il était tombé. Un'e faë ? Pourtant, il était précisé que Khora était humain'e.

Avec deux fois plus d'espaces que les autres habitants du bâtiment, Khora était clairement privilégié'e. Ce qu'iel préférait était d'avoir sa propre salle de bain, avec une BAIGNOIRE. Après l'avoir testé une première fois, iel comprenait pourquoi les humains pouvaient passer des heures à barboter dans de l'eau chaude qui sentait bon. Mais l'appartement en lui-même était sommaire. Un lit double, un bureau, une armoire, une kitchenette. Et de l'autre côté, un lit simple, un bureau, une armoire, et pas de kitchenette, celle-ci ayant été enlevé lorsque les deux petits studios avaient été réuni en un plus grand. Koko n'avait pas de colocataires, malgré la taille de son appartement. Iel ne savait pas pourquoi, et iel s'en fichait. Iel aimait bien avoir sa petite tranquillité. Près de la porte, il y avait une toute petite commode avec un téléphone fixe dessus, mais comme Khora n'avait personne à appeler, il restait là, tristement inutilisé. Dommage pour les micros qui y avaient été installés, de l'argent bien mal dépensé.

L'appartement était propre et bien rangé, Koko s'étant rendu'e compte au bout de quelques semaines de vie humaine qu'il n'aimait pas la saleté et le désordre. Mais comme iel s'était aussi rendu'e compte qu'iel n'aimait pas faire le ménage, trouvant ça très ennuyant, iel avait demandé au doyen d'avoir quelqu'un qui le faisait à sa place. Une personne passait donc chaque semaine. Et même si iel l'avait voulu, il aurait été difficile pour l'ancien Oneiroi aurait difficilement pu en faire. Iel n'avait que très peu d'effets personnels. Quelques habits, du linge du lit, un peu de vaisselle, le nécessaire pour suivre ses cours. Les seuls aménagements personnels que Koko avaient été l'achat d'un tapis moelleux, parce qu'iel aimait être allong'e par terre, et un fauteuil à bascules, parce qu'iel aimait la sensation de mouvement lorsqu'iel révisait ses cours. Iel avait accroché aux murs un mélange hétéroclite d'images glanées ici et là, et sur le bureau inutilisé, iel y avait sa collection de cailloux et verres polis. Dès qu'iel en trouvait un beau, iel le ramassait, pour le poser dessus. Iel aurait bien aimé faire pareil avec les plantes et les animaux, mais les êtres vivants étaient durs à entretenir, sortis de leur milieu naturel. A la place, iel les reproduisait en origamis. Iel en y avait un peu partout sur le sol et les murs. Ce n'était pas du désordre pour Koko, c'était bien trop beau et coloré pour ça. Iel avait découvert les pliages en papier au milieu de sa première année, après avoir vu une fille de son année en faire, et iel avait été conquis'e.

Mais Khora n'était pas en train de s'amuser à faire des pliages en papier lorsque l'on toqua à la porte. Non, iel était penché'e sur son bureau, concentré'e, sur son cahier d'apprentissage de la calligraphie. On écrivait pas, dans les rêves, on ne lisait pas non plus. Koko avait donc dû apprendre en accéléré à lire et écrire le gaulois moderne, qui était bien différent du grec antique qui était sa langue naturelle, et d'autres domaines qui étaient TRES importants pour les humains, comme les multiplications et les divisions. Après un redoublement de sa première année, Khora s'en sortait plutôt bien maintenant, pour une humain'e de un an et quelques semaines. Mais un autre étudiant lui avait dit que son écriture était moche. Ca avait vexé Khora, qui après lui avoir envoyé des cauchemars toute une nuit, avait dû admettre qu'il avait raison. Iel était donc entré' dans la librairie du campus, et il s'était retrouvé avec un cahier d'apprentissage de la calligraphie entre les mains. Iel faisait sérieusement ses exercices, et iel n'apprécia pas trop d'être dérangé'e en plein dessin de la lettre C. Mais ce n'était pas tous les jours qu'iel avait de la visite, iel n'étant pas encore connu'e sur le campus comme LA personne à aller voir si on voulait connaître les petits secrets honteux des gens, alors iel alla voir à la porte.

Sur pas de palier se trouvait un étudiant qu'iel avait jamais vu. Il avait des des cheveux blonds comme les blés sous un soleil d'été et les yeux bleus comme un ciel d'hiver. C'était un des plus beaux êtres humains que Koko avait vu depuis qu'iel en était devenu'e un et si l'inconnu avait été une petite pierre, il aurait fini sur le bureau avec les autres cailloux. De ses grands yeux d'un noir sans fond, dans lesquels iris et pupilles étaient indiscernables, iel admira donc l'inconnu sans lui répondre. Après tout, il voyait bien qu'iel était Khora et qu'iel était là. Khora n'était pas encore aussi bavard'e qu'iel le serait dans trois ans. De son côté, Morphée pouvait voir le même être aux longs cheveux blancs et expression neutre sur la photo (en moins flou) vêtu'e d'une longue jupe plissée, d'un bleu terne, et d'un t-shirt blanc floqué aux lettres de la FEAH, porté non pas par fierté de son université, mais parce qu'il était très confortable.

Khora.

C'était Khora, juste devant lui.

Morphée ouvrit la bouche, puis la referma. Il se demandait s'il fallait attendre que l'étudiant'e aux cheveux blanc prononce quelques mots, validant le fait d'être bel et bien Khora. Selon la définition très subjective de Morphée, iel était habillé'e comme un sac à patates avec cette longue jupe informe et ce tee-shirt dont même lui ne serait servi de chemise de nuit. Il leva un sourcil, mais ne se permit rien – lui préférait les habits proches du cœur, avec un petit faible pour le cuir (sa veste, d'ailleurs, était en simili cuir, même s'il la portait plus large désormais pour ne pas frotter ses brûlures)

Pendant dix secondes, ils durent bien rester comme ça, l'un'e devant l'autre, immobiles, les sourcils de Morphée ne se fronçant que plus au fur et à mesure qu'il était gêné par le silence. Il décida de le rompre, d'ailleurs ; de toute évidence, il s'agissait bien de Khora, il y avait-il bien besoin de confirmer ce fait ?

Morphée passa une main dans ses cheveux, râlant un peu dans ses moustaches. Sans doute aurait-il fallu paraître un peu plus vieux, on allait sans doute le prendre pour un étudiant.

« Salut. Je suis Morphée Doisneau. On ne se connaît pas encore, mais je suis le conseiller d'orientation de la FEAH. »

Et grands dieux, il y en aurait besoin. Tout compte fait, il ne s'était pas vraiment renseigné sur les capacités de l'être avec les cheveux blancs devant lui, avait tout juste vu qu'il s'agissait d'un'e humain'e et non d'un monstre – avait comme qui dirait oublié de s'intéresser à ses pouvoirs.

Quelques années plus tard, Morphée dirait que ce serait là sa principale erreur, que s'il l'avait fait, il se serait sans doute contenté de faire demi tour. Que c'était bien fait et tant mieux.

Pourtant, il devait lui dire. Il ne pouvait pas laisser un'e étudiant'e sans lui faire savoir qu'on l'espionnait potentiellement à travers les miroirs de la salle de bain. Que chaque jour où iel prenait sa douche, son bain, l'oeil averti d'un informaticien amateur lae surveillait. C'était à proprement dire répugnant.

Morphée grinça des dents.

« Je peux entrer ? Nous devons parler. Ils ont posé des choses dans ton appartement, c'est à proprement dire scandaleux. Nous devons les trouver et foutre un procès au cul de Dudikoff. »

Pourquoi diantre le conseiller d'orientation de la FEAH était sur le pas de sa porte ? Et aussi, qu'est-ce qu'était un conseiller d'orientation au juste ? Khora n'avait pas besoin d'orientation, iel n'était pas perdu'e, la preuve iel était dans sa chambre. Les humains et leurs manies d'inventer des titres bizarres, vraiment. Khora avait compris que ce n'était pas un étudiant comme ellui, et iel allait devoir chercher sur Internet (très pratique cette invention, iel approuvait) après le départ de Morphée. Morphée, comme son adelphe, le plus important des 1000 Oneiros qui composaient leur fratrie. Le prénom avait fait tiqué Khora, plus que le reste. Etait-ce un coup de Tyché, de mettre sur sa route un bel inconnu au titre mystérieux ? Ou même le Destin si cher aux Dieux ? Essayaient-ils de lui dire quelque chose ? En tout cas, le prénom du blond avait suffisamment fait tiqué Khora pour lui faire ouvrir sa bouche.

Tu ne lui ressembles pas.

Simple constatation dénué d'affect. Avant, on donnait des prénoms qui signifiaient quelque chose aux enfants. Ellui-même portait le nom en rapport avec son rôle en tant qu'Oneiroi. Et jamais un mortel n'aurait donné le nom d'un dieu à sa descendance. Les choses avaient changé, depuis qu'iel avait foulé le sommeil des humains pour la première fois.

Lorsque Morphée lui demander si il pouvait entrer, Khora s'écarta du passage. Iel comprenait de moins en moins ce que ce faux Morphée lui voulait, mais iel ne voyait pas d'inconvénient à le laisser entrer. Même si le conseiller d'orientation semblait très remonté, ça ne semblait pas être contre lui mais contre Dudikoff. Ca devait être très grave, pour que Morphée veuille faire un procès. Les procès, ça devait vraiment être un cérémonial très important pour les humains, car le doyen de la FEAH aussi l'avait menacé d'un procès lorsqu'iel lui avait dit qu'iel révèlerait son secret s'il ne lae laissait pas vivre sa vie tranquillement sur son campus, et il en avait plein dans leurs films et séries. En tout cas, Khora avait compris que Dudikoff ne lui voulait pas du bien, iel était donc tout disposé'e à écouter ce que le conseiller d'orientation avait à lui dire.

Il ne lui ressemblait pas, à qui ?

Morphée fronça les sourcils.

(ou plutôt son absence de sourcils, ce n'était pas comme s'il en avait beaucoup et sa frange aidait très nettement à camoufler ce léger défaut)

Khorra avait-iel une connaissance qui se nommait Morphée aussi ? Il aurait bien creusé la question, d'ailleurs, il était curieux et avait décidé qu'il devait savoir.

Pour le moment, il ne savait pas trop quoi penser de Khorra, à part qu'iel s'habillait bizarrement et qu'il lae considérait comme assez peu bavard'e. Morphée se sentit obligé de toussoter pour remplir l'atmosphère d'un son, non très agréable, mais bien présent.

« Enfin comment ça ? », laissa-t-il enfin échapper alors que ça le démangeait depuis un moment désormais (un moment voulait en vérité dire quelques secondes) « Je ne lui ressemble pas ? Tu parles de qui ? Tu connais quelqu'un qui a le même prénom que moi ? Je doute que mes parents étaient vraiment sobres quand ils l'ont choisi. »

Pas qu'ils lui avaient accordé, qu'ils l'avaient choisi. Une tragédie qui continuait à le marquer dans son rapport à lui-même ou aux autres. Il tentait toutefois de s'adoucir, c'était pourquoi il se forçait d'être professionnel et agréable auprès de Khorra.

Même malgré son sens de la mode très étrange.

Morphée soupira et se dirigea à pas accélérés vers la salle de bain. Ce n'était pas comme si la pièce était très loin, tous les appartements étaient un peu configurés de la même manière, alors Morphée y fut rapidement. Il regarda le miroir, puis la baignoire puis se demanda comment arracher ce dernier sans transformer sa main en scie ou quelque chose de cet acabit.

Et honnêtement, Morphée n'avait aucune envie d'opérer ce genre de transformation devant un'e étudiant'e inconnu'e.

« C'est un miroir sans teint. Ils ont foutu une caméra derrière, ils te matent pendant que tu prends ta douche. », grogna-t-il. « Je peux appeler du personnel pour tout faire enlever, à moins que tu aies des pinces ou des choses comme cela. »

Mais plus il regardait Khorra, plus il se disait qu'iel n'était vraiment pas du genre à avoir des pinces.

« Tu sais ce qui aurait pu te valoir un traitement de la sorte ? Parce qu'au service informatique, ils sont deux à te mater les fesses. »

En le voyant perdu, Khora se demanda si le beau blond n'était pas, eh bien, un peu simplet. De qui d'autre pourrait-iel parler que de Morphée, Dieu du rêve, le puis puissant des 1000 Oneiros ? Les humains oubliaient vite. Lorsqu'il lui demanda de qui iel parlait, l'ancien Oneiroi répondit lentement, pour que ce soit clair pour lui.

De Morphée. Du prince des Songes.

Comme s'il y en avait d'autres qui méritaient d'être mentionnés. Khora aurait pu être plus précis'e, mais les humaines n'avaient pas comme adelphe une personnification du Rêve, et iel était un'e humain'e maintenant. Un'e humain'e qui continuait à se balader dans les rêves des uns et des autres, mais un'e humain'e tout de même.

Morphée partit ensuite comme une furie vers sa salle de bain. Koko le suivit, et ce fut à son tour de ne plus rien comprendre. Bien sûr que c'était un miroir sans teint, pourquoi irait-iel maquiller son miroir ? Et puis...

Qu'est-ce qu'une caméra ?

La suite ne choqua pas plus Koko, qui n'avait pas encore développé le concept de pudeur. Et puis, iel était lae voyeur'euse suprême, à observer les rêves les plus intimes des gens sans leur consentement. Donc qu'une ou deux personnes le matent à poil, ça ne représentait même pas un crime à ses yeux. Iel ne comprenait pas pourquoi Morphée se mettait autant en colère, alors que ça ne le concernait même pas. Si Khora avait été une humain'e depuis sa naissance, iel aurait haussé les épaules. Mais comme iel n'avait pas encore acquis ce genre de langage corporel, iel se contenta de regarder Morphée de ses yeux noirs et fixes.

Je ne sais pas pourquoi ils regardent mes fesses. Elles sont normales. Ils ne savent peut-être pas qu'il y a plein de photos et films avec des fesses sur Internet ?

Ellui non plus ne l'aurait pas su sans les pubs des madames chaudes près de chez vous qui apparaissaient parfois lorsqu'iel allait sur Internet. Iel n'avait jamais compris l'attrait du sexe chez les humains (et Morphée - son adelphe, pas l'autre - savait qu'iels rêvaient beaucoup de ça) et après avoir regarder leurs vidéos à ce sujet, iel n'était pas plus avancé'e. Ca avait l'air très fatigant et salissant. Alors que des humains puissent vouloir en observer un'e autre tout'e nu'e, en allant jusqu'à trafiquer son miroir, ça lae dépassait un peu. Iel quitta la pièce quelques secondes, et revint avec une pierre de granit, qu'iel avait ramassé sur le campus car la forme lui évoquait un animal à quatre pattes. D'humeur serviable, iel la tendit à Morphée.

C'est un gros caillou, très dur. Tu peux casser le miroir avec.

Iel demanderait à ce qu'on lui en installe un autre, ce n'était pas grave.

Oh, Morphée, ce Morphée-là.

Celui qui était censé hanter les rêves des gens et imposer son lot de cauchemars ou de rêves. Morphée ne sut pas vraiment si c'était une blague, que Khora connaissait vraiment ce Morphée si abstrait. Il choisit d'avoir un rire qui n'en était pas un, probablement parce qu'il ne savait pas comment réfléchir à cet affirmation, mais pensa fermement quelque chose qui ressemblait à un « tu me prends vraiment pour un idiot, toi. »

Ce qui était encore plus étrange, c'était que Khorra ne connaisse pas les caméras de surveillance, ni les raisons qui pourraient pousser autant de gens à lae surveiller.

Morphée ne savait pas exactement ce qu'il ressentait au sujet de Khorra. Son instinct le poussait à en savoir plus, mais en réalité, plus il en savait, plus il avait envie de s'éloigner de cet appartement étrange.

« Des cailloux ? Tu ne sais pas ce que sont les caméras, c'est une blague ou ? Tu ne regardes pas la télévision ? », répondit-il à la proposition.

Il y avait toute une série de cailloux qui reposaient comme on pouvait exposer des figurines ou des dessins. Ils n'avaient rien de spécial, c'étaient juste des cailloux.

Des cailloux.

Morphée faillit avoir un petit rire moqueur, à défaut, il eut un rictus révélateur.

« Un caillou, ouais. »

Il ne savait plus vraiment ce qu'il devait faire ; entre casser le miroir, ne pas le casser, prévenir quelqu'un que cet'te étudiant'e était drôlement étrange, comme sorti'e d'une autre dimension. Il ne pouvait pas casser le miroir avec ce caillou, déjà parce qu'il risquait de se faire mal, ensuite parce qu'il allait être accusé d'avoir endommagé un appartement.

Il le mit donc dans la main de Khorra.

« Il suffit de donner un bon coup dans le miroir. Mets peut-être un gant avant de le faire, ça risque de couper. »

Et ensuite il pourrait partir. Vite.

Il ne savait pas ce qu'il pourrait faire après, peut-être commander une ou deux bière et passer sa soirée au bar. Aller à Avalyon et s'acheter des vêtements.

(Se rendre dans une boutique geek, acheter des goodies collector de son super favori)

Oublier cette rencontre inhabituelle.

« Un grand coup hein. »

Lorsque Morphée suggéra qu'iel puisse lui faire une blague, Khora se contenta de le regarder en silence. Et définitivement, sa tête n'était pas celle de quelqu'un qui pratiquait l'humour. Iel était cependant fièr'e de savoir ce qu'était une télévision. Ils avaient vu ça en cours des médias, c'est là où les gens regardaient les exploits des supers, et que si on voulait être connu, il valait mieux beaucoup passer à la télé. Iel n'en avait pas par contre. Son ordinateur lui suffisait. Aucun souvenir que les cameras aient été abordées par contre, donc le lien entre les deux restaient assez flous.

Comprenant que c'est ellui qui allait devoir casser le miroir si iel voulait découvrir ce qu'était les fameuses caméras qui avait tant énerver le blond, iel recula de quelques pas, le caillou en main. Et iel le lança. Koko avait visé à peu près au milieu, mais si le miroir se fissura, il ne céda pas. Koko recommença une nouvelle fois et cette fois-ci, quelques morceaux de verres tombèrent dans le lavabo. Soupira, iel réessaya une troisième fois, qui fut la bonne. Heureusement, car tout ce bruit, c'était très désagréable à ses oreilles.

Khora alla mettre ses chaussures pour ne pas se couper sur le verre et sa priorité fut de ramasser son précieux caillou. Le pauvre avait souffert, il ressemblait moins à un animal, ou alors à un animal qui avait perdu une patte et une oreille. Avec une petite moue, une des rares émotions qu'iel avait réellement montré depuis que Morphée avait frappé à sa chambre, iel posa le caillou sur le rebord de lavabo plein de débris de miroir. Iel allait devoir appeler le service d'entretien une fois une Morphée partit. A l'intérieur, iel pu voir la camera. Sans délicatesse aucune, iel l'arracha et la porta à hauteur de son visage. Avec son verre rond et ses fils qui pendaient, ça ressemblait à un œil arraché de son orbite. Ca fit tilt dans le cerveau de Khora. Iel se tourna vers Morphée.

La caméra, c'est l'oeil qui permet à la télévision de voir ce qui se passe sur l'écran ? Qui a fait installé ça chez moi ?

C'était mal, ce qu'il faisait.

Se permettre de juger un'e étudiant'e de la sorte, pire, lui faire faire à sa place ce qu'il était venu faire là.

Morphée n'arrêtait pas de se le dire, et pourtant, un drôle de pressentiment l'agitait, comme s'il ne voulait absolument pas se mêler aux affaires de Khora. Ou même à son démêlé avec Dudikoff.

Il observa Khorra frapper le miroir, puis arracher la caméra avec ces mains. Il y avait quelque chose de bizarre à être spectateur de cette scène, comme si en vérité, il était en train de foutre une merde à la FEAH et s'était mêlé de quelque chose qui ne le regardait assurément pas.

Morphée toussota, il avait du mal à rester en place.

« Ouais, c'est ça. Qui a installé ça ? Bah, sans doute des installateurs, la vraie question est sûrement pour qui. Tu n'as pas d'ennemis ? »

Morphée se doutait car tout avait commencé dans le local des services techniques, celui-là même où on regardait Khorra prendre sa douche. C'était sans doute un ordre de Dudikoff ou de quelqu'un qui était bien placé au conseil d'administration.

« Il n'y a pas de raison pour que quelqu'un t'en veuille, à la FEAH ? Tu as un lien de parenté avec quelqu'un ou tu as un pouvoir qui pourrait te valoir cette inimitié ? »

Il fronça les sourcils, se demandant s'il ne devait pas partir tout de suite de cette pièce.

Khora ne lui inspirait rien de bon, la pièce ne lui inspirait rien de bon, ces cailloux nous plus. Il y avait quelque chose dans la personne de Khora qui était...il ne comprenait pas, c'était cette absence de sensations, d'émotions ou de paroles vraiment menées par un but qui le rendait mal à l'aise. C'était assurément trop peu pour pour lae juger d'une quelconque façon, assez pour sans doute se méfier.
Son instinct ne l'avait jamais trompé.

« Je vais sans doute y aller. Tu peux contacter l'administration et faire une plainte, si tu veux. »

C'était totalement irresponsable, il savait qu'il n'aurait agi de la sorte avec d'autres élèves. Il se détestait pour cela.

Quelqu'un qui pourrait lui en vouloir... Khora se souvint que Morphée avait parlé du doyen de la F.E.A.H en arrivant. Doyen qu'iel avait fait chanter pour avoir tout le confort dont iel bénéficiait maintenant. Ce n'avait nullement été un acte de haine ou de vengeance, mais un acte de nécessité. Koko s'était éveillé'e sans passé, sans papiers, sans possessions dans un monde qui était très dur pour celleux qui n'avaient rien de tout ça. Iel avait donc utilisé les moyens qu'iel avait pour obtenir une petite place. Rien de personnel contre Dudikoff donc, même si celui-ci semblait l'avoir pris ainsi.

Oh.

Iel avait enfin compris ce qui avait mis autant en colère Morphée. Le doyen avait installé de quoi l'espionner, sans doute dans l'espoir de pouvoir lui rendre la monnaie de sa pièce. Cet homme voulait lui nuire. Mais il allait l'apprendre, on ne s'en prenait pas à un dieu (même si le dieu en question était juste un ancien oneiroi) impunément. Les lèvres de Khora se pincèrent et ses yeux flamboyèrent de colère. Cette fois, ce serait personnel.

Je vais aller voir M. Dudikoff.

Khora enfila son manteau et les deux sortirent de l'appartement, qu'iel referma derrière lui. Iel se tourna vers Morphée. Iel ignorait pourquoi, mais il l'avait aidé, alors qu'il ne lae connaissait pas. Khora avait une dette envers lui. Le blond qui pouvait donc s'attendre à faire de très beaux rêves dans les jours qui suivent. Ca serait sa façon de le remercier. Iel aurait pu aussi lui offrir une pierre de sa collection, mais Morphée ne semblait pas très intéressé par les cailloux.

Merci de m'avoir prévenu'e.

Et sans plus de cérémonie, iel se mit en route vers le bureau de Dudikoff, à grandes enjambées.