Durant ses nuits d'insomnie, Victor pensait.

Il pensait à la pluie, à toutes les hypothèses qu'il pouvait mener sur le moment, ses paupières, parfois lourdes, se levaient puis se fermaient.

Victor pensait, pensait, puis se levait.

Il n'avait jamais eu une enfance extraordinaire. Gamin basique de la capitale gauloise, il s'était très tôt fait remarquer pour ses compétences en sciences, mais à part cela, Victor avait toujours été dans la norme. Enfant, il s'amusait à fabriquer des volcans et étudiait ses animaux domestiques avec passion (il avait un terrarium avec de fascinants reptiles). Adolescent, quand il ne traînait pas avec ses quelques amis ou n'avait pas le nez dans un livre, Victor s'amusait à lire des livres de médecine.

Très vite, ce qui avait un rapport avec les héros et leurs capacités le fascina, surtout qu'une découverte bouleversa sa vie : vers ses 11 ans, alors qu'il prenait son bain, l'eau disparut. Son corps retomba brusquement dans la baignoire, ses yeux, affolés, tentèrent de comprendre la raison de ce changement soudain : l'eau venait de se métamorphoser devant ses yeux. Sa main passa sur la droite, effleura la vapeur d'un air fasciné.

Alors, il se dit qu'il souhaitait faire cela.

Toute la vie de Victor fut alors dirigée vers ce but très précis : dès qu'il le put, il s'inscrivit à Saint-Ange, université la plus réputée du pays et commença à suivre un cursus héroïque. Pourtant, ce qu'il apprit là-bas ne l'intéressa pas vraiment : il comprit rapidement que les ambitions de l'université n'étaient pas pour lui, qu'il ne souhaitait pas devenir cette figure héroïque que l'on voyait dans les médias. À l'époque, lorsqu'on évoquait le nom de la FEAH, c'était pour parler de ces cancres, là-bas, ceux-là, ceux qu'il fallait éviter. Après une ou deux visites sur le campus, le jeune homme comprit que cet endroit était pour lui.

Il se fit transférer l'année suivante à la FEAH, commença un cursus avec spécialisation scientifique et...après quelques stages, diverses expérimentations plus ou moins louches, Victor y était toujours. Il pensait connaître le département scientifique comme sa poche, chaque mur lui évoquait un souvenir : là où il avait rencontré telle personne, cet amphithéâtre avec ce professeur qui les avait si ému ou, pire, cette lisière de forêt où ils avaient pleuré d'être en vie après avoir été poursuivi par quelque chose qui était vraiment bizarre.

Alors, au cours de ses insomnies qui n'avaient jamais été résolues, Victor se levait. Il parcourait la centaine de mètres qui le séparait des laboratoires, prenait son bistouri et opérait. Il leur restait des centaines de siècles pour percer le mystère des faës, on ne leur en voudrait pas si il prenait un peu d'avance !