Chance découvre avec la rentrée scolaire l'enfer du travail de secrétariat scolaire. Il reçoit déjà des dérogations pour utiliser l'ascenseur par des élèves qu'il a vu courir quand ils étaient en retard en cours, des mots d'absence sans justification, des demandes de changement d'emploi du temps... Il encaisse tout avec le sourire, accueille poliment chaque personne qui entre dans son bureau, et salue tout ceux qui repartent, qu'il ai pu les aider ou non.

Quelle joie. Est-ce qu'il va faire ça tout une année ? Cinq ans ? Toute sa vie ? Pris d'un vertige, il préfère ne pas trop y penser, et s'attarde sur le tic-tac des secondes de l'horloge accrochée au mur. Il ne voit pas le temps passer entre les heures de cours, noyé sous les réclamations des étudiants et des professeurs, et ensuite il reste des heures sans rien faire, en tête à tête avec l'horloge.

Mais on vient briser la monotonie, enfin ! Chance s'était résolu à enchaîner les cafés en attendant la fin des cours de la journée pour voir de nouveau son bureau pris d'assaut, mais une collègue vient lui annoncer qu'ils auraient besoin d'un formulaire que la nouvelle archiviste n'a pas rempli à sa prise de poste, quelque chose à propos d'un contact d'urgence ou autre, et il doit admettre que marcher un peu lui fera le plus grand bien, alors il accepte avec un grand sourire sincère. Il est même heureux d'avoir le droit de perdre du temps à se balader ainsi sur le campus dans le cadre de son travail, et les voix de son instinct qui aiment lui répéter qu'il a raté sa vie avec un boulot pareil se taisent un instant.

Il suit les indications de sa collègue jusqu'à la bibliothèque, puis demande où est la nouvelle archiviste. En quelques pas, il se rapproche de la longue chevelure sombre qui lui tourne le dos.

— Bonjour ! il toque sur une des étagères, se croyant sûrement drôle. Un peu de paperasse à remplir pour l'administration, c'est cadeau ! le ton guilleret, il s'adresse à la silhouette qu'on lui a désigné au fond de la bibliothèque.

Il se retient de chanceler quand il comprend à qui il s'adresse.
Le sourire de Chance se fane.